Alors, où va-t-on ?
Editorial | Direction Artistique
[Extrait]
D'où vient alors ce malaise qui ne le quitte pas, cette sensation d'être piégé dans sa propre existence ? L'amour, l'argent, la consommation, le travail : aucune des valeurs prônées par la société américaine ne semble lui fournir la moindre solution. Philip K. Dick - La voix de l’asphalte
Un peu trop de tout.
C’est l’Histoire de la fin d’un XXème siècle où l’on est passé de la disette à l’opulence, en quelques générations.
Nos grands paternels travaillaient avec leur mains. Les mains dans la terre, dans la science, sur un cahier à lignes annotées d’une écriture en courbes - ironie millénniale - tellement soignée qu’on aurait dit la police d’un .doc.
Nos parents ont mis à leur tour les mains à la pâte, remplacée par une machine. Folle entreprise que celle de l’industrie, croissance explosive et effrénée de biens aussi abondants qu’ils paraissaient nécessaires. La consommation « de masse ». Pour la masse et par elle : un nombre grandissant d’objets par une proportion d'hommes et de femmes prenant progressivement l'identité de «consommateurs». Puis l’objectif « suffisant » a fait son chemin vers le « trop ».
La supermasse, c’est nous. Habitués à une opulence dont on a perdu le sens et la notion de plaisir parce que le «trop de tout» est devenu notre normalité, notamment en matière de dressing. Nous reconnaissons normale la publicité à profusion, nous admettons ordinaire la frustration générée par identités digitales factices de nos voisins de palier ou d’inconnus du bout du monde.
Mais vouloir le tout comme la masse, c’est perdre une partie de son identité. Trop de tout ne donne de sens à rien.
Dans cette première collaboration, nous avons voulu retrouver notre identité vestimentaire. Re-faire le zéro, partir du vide pour mieux se prêter à l’exercice de la renaissance. Reconstruire à partir du rien.
Nous avons pris de la hauteur pour fuir l’ensevelissement, retrouver les couleurs du ciel au delà du filtre des images. Perchés sur les toits pour mieux observer la ville agitée, qui certes nous rassure par la berceuse incessante de ses échos, mais au milieu de laquelle on ne s’entendait plus penser. De là, on a réouvert nos classiques. Huxley, K. Dick ou Barjavel pour professeurs, comme pour s’imprégner des fictions prophétiques de visionnaires, afin d’en déjouer la réalisation.
[Fin de l’extrait]